Hortus noctis
Cranach - Détail de l'âge d'or
J'ai d'abord parlé en fureur à une autre femme et à son poignard, mais c'était avant de laisser partir la mort en moi, car ensuite j'ai fui dans le jardin et le poème n'a été ni pensé ni imaginé, le poème était moi devenu partie du jardin.
Alors j'ai parlé de son corps et de chaque lieu de son corps, et j'ai parlé aux arbres, à l'écorce et à la feuille, j'ai parlé au fruit naissant, au brin d'herbe, au noir de la nuit entre les étoiles et j'ai parlé aux étoiles, j'ai parlé à la lune en initiale de son nom, à l'air frais et à la discrète buée de mon souffle dans l'air, j'ai parlé aux plants du potager et aux plantes confuses pour moi qui ignore leur nom, j'ai parlé à la rosée, à l'humidité de la terre et à la terre humide, j'ai parlé aux fleurs qu'on ne voit pas dans la nuit, j'ai parlé au chat indistinct, aux insectes inaperçus, à la flamme d'une bougie vite consumée, j'ai parlé à la froideur de la nuit sur ma peau et aux frissons qui me parcouraient, j'ai parlé à la danse qui m'a tournoyé et à ma chute dans un cri, j'ai parlé au vertige qui vrillait le paysage et au sol qui venait de recevoir mon corps étendu, j'ai parlé aux racines pour qu'elles poussent vers elle le sang de mes mots :
Dites à Cendrine qu'elle est aimée de Michaël, dites à Cendrine qu'elle est l'aimée de Michaël
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