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jeudi 30 juillet 2009

Le cœur a ses raisons



seconde après seconde


et coup sur coup


mon cœur n'a de cesse


de me battre


mardi 28 juillet 2009

Pluie régnante (offrande à son corps)


Lucas Cranach : Vénus





Je chanterai le cuivre frappé à l’effigie de la déesse de Chypre
Je chanterai le buste lauranien d’elle qui prodigue ses vagues
me déferle me dérobe me déploie me défait en éclats de désir
Je chanterai
son portrait et le mien aiguisés jusqu'au trait
en torse javeline à la joute lunaire
et en lance de lice à la cour du Soleil
Je chanterai son corps musqué navré de Lune
le doux troupeau blanc de ses vivantes collines
et le rouge mordu de ses lèvres rubelles
Cuivre disais-je qui est l’or de Vénus
et la ville enterrée sous le corps d’eau de plus anciens dieux
la ville assiégée d’algues s’éprendra de ciel
et le ciel blessé sera bu
en abeilles saignant de sa chair ouverte en plaie fertile
sera bu
et Mercure qui se fera un théorbe de sa lyre perdue entonnera
le chant de ses chants :

rouges ses mains de pleine beauté
ses plaintes lancées au cœur
comme autant de vagues fuselées
murmurées en pluie d'écume
au jade de la tige élancée
et ma langue mordue
dira-t-il
et mon cri empennelé dans la gorge
et mes mots
dira-t-il
et mes mots portés à la bouche comme fruits
qui verront leurs images mordues
et leur sens s'écouler
rouge en son palais
dira-t-il
rouges saignées
d'elle murmurée en pluie
au jaspe de mes veines
ci commence dira-t-il
(offrande au cœur des mots)

ci commence le chant dédié à son corps

en dire d'encre en dire d'incendie
en reine d'incendie en ce cri d'encre
n'en rien dire crier ce cri de cendre
enceindre reine en dire de ce cri :

ci commence le chant dédié à son corps

en mains versées comme torrents sur elle
en nue de chair que visite l’étrave
en savourée fébrile au souffle court
et robe blanche en vifs battements d’ailes

ci commence le chant dédié à son corps

en éperdue languide sous mes lèvres
toute versée dans l’or qui sert de jour
dans la sueur de mon soleil plongé
au corps aimé au sang qui fait des vagues

ci commence le chant dédié à son corps

en pluie régnante et tresses de mon sang
en céraunies dans l’éclat de la chair
en terre ouverte et ciel en chute libre
les mots aussi vont s’ouvrir à la nuit

ci commence le chant dédié à son corps

les mots aussi vont s’ouvrir à la nuit
trempés dans l’encre en images fécondes
ils prennent corps dans l’enclos de ses veines
corps de désir qui carmine l’arène

ci commence le chant dédié à son corps

qu’il soit dit oh son ventre n’est que fièvre
et qu’il soit dit on y fond le Soleil
livrez-moi à son feu car je suis sève
et je brûle aux éclats et qu’il soit dit

ci commence le chant dédié à son corps

et tant de nuit enclose entre ses lèvres
à l’incise féconde ô souterraine
et cette pluie capricante de lait
en agonie perlée de Lune en elle

ci commence le chant dédié à son corps

en nuit de Mars sous la première neige
et moi neigeant pour l’infime soleil
de son ventre appelant un autre corps
et moi nageant vers elle — ô femme & fille

ci commence le chant dédié à son corps

qui m’accueille me tend et me carène
me dérive à son vif et qui m’aiguise
m’offre sa nuit en appel de blancheur
lors en ses eaux je ne suis qu’œuvres vives

ci commence le chant dédié à son corps
et au mien aussi qui est le sien



Emblème de l'Imagination poétique de Barthélémy Aneau, 1552.

samedi 25 juillet 2009

Iridelle en eaux troubles



le poison est au creux de nos mains

comme un eau claire où mouiller les lèvres


— et la mort marche sur ces mots



mardi 21 juillet 2009

D'encre noire sa ramée

Conception d'Abel, in Histoire du Saint Graal, vers 1280, ms BNF.




Eve et l'arbre de vie, in Queste del saint graal, Angleterre, vers 1275.









D'encre noire sa ramée
contre le ciel du vélin
l'arbre écrit prend lumière
à ces yeux qui lents le lisent
et l'enluminent de pourpre

Et les mots bruissent du souffle
de qui respire leur sens
ils frémissent sous les doigts
au parcours de chaque ligne
chemins d'obscur dans la page
feuille où s'écrit le feuillage

Et c'est presque s'ils entendent
le chant parlé de leurs signes
au chuchotis de ces lèvres
qui savoureuses savourent
la chair sonore de l'arbre
au coeur végétal des lettres

Mes mots aux lèvres d'aimée
palpitants se tendent vifs
jusqu'à l'or blanc de la sève
de l'arbre écrit carminé
et sa langue qui s'attarde
à bien dire chaque mot
me soleille en éclats brefs
et c'est le poème entier
qui alors se fait nid pour

la naissance
des oiseaux



Arbre de Jessé, in Guiard des Moulins, Bible historiale, XVe siècle, ms BNF.