dimanche 30 août 2009
vendredi 21 août 2009
Ouvrir le fleuve de douceur
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Oi de ton ami la clamour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi comment je pour toi demour. (demeure)
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Fai tant que o toi soit mon demour. (ma demeure)
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Oi du grant Desir la rumour
Qui fait en mon cuer son demour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Fai qu'avec toi faice sejour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Fai que j'aie encor un bon jour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Oi de loing comment pour toi plour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi comment pour toi je m'esplour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Tari le ruissel de mon plour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Estain de Desir la chalour,
Amenuise sa grant rigour
Qui estaint toue ma vigour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Aies pité de mon labour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Met en ton tresdoulz cuer tenrour. (tendresse)
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi ma pene, voi mon labour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi comment pour t'amour labour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi ma tresamere tristour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi mes meschiés (malheurs), voi ma dolour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Considere ma grant freour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour
Voi que de mort sui en paour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Regarde comment je m'atour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour,
Voi comment je pleur en destour (en cachette)
Pour ton cointe corps fait a tour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour
Voi qu'en toi sunt toudis mi tour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour
Voi comment pour toi descoulour.
Mon cuer, ma suer, ma douce amour
Euvre (ouvre) le flun (le fleuve) de ta douçour
S'arouse (rosit) ma pale coulour.
Guillaume de Machaut (1300- 1377), lettre XXIII, vv4648-4698, in Le Livre du Voir Dit (1364)
- Aphrodite publié par Triplex Nomine à 17:42 1 louange(s)
mardi 18 août 2009
Hortus noctis
Cranach - Détail de l'âge d'or
J'ai d'abord parlé en fureur à une autre femme et à son poignard, mais c'était avant de laisser partir la mort en moi, car ensuite j'ai fui dans le jardin et le poème n'a été ni pensé ni imaginé, le poème était moi devenu partie du jardin.
Alors j'ai parlé de son corps et de chaque lieu de son corps, et j'ai parlé aux arbres, à l'écorce et à la feuille, j'ai parlé au fruit naissant, au brin d'herbe, au noir de la nuit entre les étoiles et j'ai parlé aux étoiles, j'ai parlé à la lune en initiale de son nom, à l'air frais et à la discrète buée de mon souffle dans l'air, j'ai parlé aux plants du potager et aux plantes confuses pour moi qui ignore leur nom, j'ai parlé à la rosée, à l'humidité de la terre et à la terre humide, j'ai parlé aux fleurs qu'on ne voit pas dans la nuit, j'ai parlé au chat indistinct, aux insectes inaperçus, à la flamme d'une bougie vite consumée, j'ai parlé à la froideur de la nuit sur ma peau et aux frissons qui me parcouraient, j'ai parlé à la danse qui m'a tournoyé et à ma chute dans un cri, j'ai parlé au vertige qui vrillait le paysage et au sol qui venait de recevoir mon corps étendu, j'ai parlé aux racines pour qu'elles poussent vers elle le sang de mes mots :
Dites à Cendrine qu'elle est aimée de Michaël, dites à Cendrine qu'elle est l'aimée de Michaël
- Aphrodite publié par Triplex Nomine à 17:38 0 louange(s)
dimanche 9 août 2009
Sonnet muet
Mes mots s'étoilent-ils encore au ciel d'aimée
brûlent-ils sur sa peau l'or fondu de mon nom
ou bulles sont-ils qui éclatent en silence
ou glissent-ils plutôt en perles d'agonie
sur sa peau fièvre et fleur passementée de lèvres
sur sa peau matinée de lune pour un autre
mes lèvres sont bleuies et mes lèvres l'appellent
sans goûter n'ayant goût qu'à leur propre morsure
sans pouvoir mais voulant ses fruits rouges tendus
et son miel à son fruit au mien mêlé de sel
et son miel à mon sel en liqueur de nos fruits
et son corps sans entrave en marche si lointaine
son corps secrètement me supplie et demande
et je suis là lové au centre de la flamme
- Aphrodite publié par Triplex Nomine à 16:52 0 louange(s)
Nox erat
C’était la nuit en coupe où boire son absence
enragé de son manque et moi perdu de moi
en allé à ses monts et vallées à son nom
enlacé elle en mon tréma entremêlée
aux neiges de mon ventre en tourmente pour elle
moi d’elle torsadé d’elle nouée en pluie
C’était la nuit en coupe en souvenir du jour
où drapé de son corps elle vêtue de moi
et moi d’elle tressé d’elle à moi amarrée
où voguant à son eau elle en lames de fond
où livré à l’écume elle en vagues languides
où tremblant sous ses mains elle en pluie torrentielle
C’était la nuit en coupe et violente beauté
d’elle les bras au ciel moi en racines d’elle
de moi en lèvres d’elle en lever de la lune
d’elle en neige flambée en couronnes d’éclipse
et en poignards plongés dans ma blessure d’elle
blessée aussi de moi endolori d’aimer
C'était la nuit Phanès veillait le serpent d'eau
enroulé à son corps Eros en sa vigile
égarait notre songe aux layons de ses bois
et poussé de la terre il montrait son visage
en chair et feuillage en arbre privé d'écorce
en cri de soif au ciel pour la pluie à venir
C'était la nuit tirée en rideau de nos pluies
et nos mains au travers en lunes ruisselantes
en corps mélangés d'âme ou fleuves en merveille
et nos mains à travers pluie font lacis de foudre
nos mains en entrelacs sont d'elle de moi et d'ailes
déployées et tournoient cibles navrées d'Eros
C'était la nuit où sabre au clair les mots fleurissent
d'elle en sang de lui d'elle en sang de moi sans elle
comme versé au creux des mains pour nulle lèvre
moi-même décoché en flèche qui me saigne
versé au fond du ciel je retombe sans pluie
et m'habille de sang — vêtu de toute absence
C'était la nuit grisée de lune en liqueur d'elle
en neige fondue d'elle ardente et vif-argent
en sable blanc grainé pour l’appel de l'écume
sable et verre étamé miroir d'elle en soleil
et moi à ses monts et vallées sentir son souffle
frémir chair et feuillage en joie tirelirant
la naissance
des oiseaux
- Aphrodite, oiseaux publié par Triplex Nomine à 16:42 0 louange(s)
Léthé
Maintenant je m'efface
Eros n'est plus pour moi
ses papillons l'ont prise
et son sexe s'envole
avec eux déployés
- Hécate publié par Triplex Nomine à 16:40 0 louange(s)