]]>

lundi 23 février 2009

Pour les Muses




Asteria



Commençons par de la poésie, et retournons vers les sources, et aux sources des Muses cherchons Apollon, et pour trouver l'origine de ce dieu, tournons-nous vers sa mère, Létô, mais surtout vers l'île-déesse qui accueillit Létô en quête d'un lieu où mettre au monde ses enfants jumeaux, Apollon et Artémis.

Cette île-déesse est une l'île naviguante :

Une île s'aperçoit sur les flots, terre étroite, errant sur les mers ; point de racines qui la fixent ; comme la tige d'asphodèle, elle vogue au gré du courant, sous le Notos ou l'Euros, où la poussent les ondes.

Mille récits sont à l'entour de ton nom ; auquel vais-je le lier aujourdh'ui ? et que te plaît-il d'entendre ?

Libre, tu voguais sur les flots. Ton nom était alors Astéria ; tel un astre en effet, tu tombas du haut du ciel dans le gouffre profond, pour fuir l'hymen de Zeus. Tu n'avais pas encore reçu la brillante Létô ; tu étais encore Astéria, tu n'étais point Délos.

Car l'île-déesse est mieux connue sous ce nouveau nom de Délos, "la Visible", l'enfantement de Létô provoquant l'enracinement de l'île aux fonds marins :

Terre venteuse, terre sans labours, faite plutôt, roche battue des flots, pour le vol des mouettes que pour l'ébat des chevaux, Délos est plantée dans la mer qui, roulant ses flots pressés, essuie à son rivage toute l'écume des eaux Icariennes ; ceux qui l'habitent ne sont que gens de mer, pêcheurs au harpon.

Mais voici qu'arrive Létô dans les douleurs de l'enfantement qui s'annonce :

Elle délie sa ceinture, s'appuie à la renverse contre le tronc d'un palmier,
torturée de cruelle détresse, sa chair ruisselante d'eau.
Et elle dit, douloureuse : « Pourquoi ta mère, ô mon fils, la fais-tu tant souffrir ?
Elle est là, mon aimé, l'île qui flotte sur la mer.
Viens, viens et sors doucement de mes entrailles ! »

D'or, à cette heure, fut toute ta terre, ô Délos,
d'or, tout au long du jour, coula le flot de ton lac arrondi,
d'or fut la frondaison de l'olivier qui vit naître le dieu,
d'or les hautes eaux du profond Inôpos, en son cours sinueux.
Et toi, de dessus le sol d'or, tu soulevas l'enfant,
et le pris dans ton sein, et tu clamas :
« O Très Grande, [Gaïa], déesse aux mille autels, aux milles cités et portant toute chose,
et vous, terres fécondes, continents, îles qui m'entourez,
me voici, moi Délos la terre arride.
Mais Apollon Délien sera nommé de mon nom ;
nulle terre ne sera chérie d'un dieu —
ni Kerchnis de Poséidon qui règne sur Léchaion,
ni d'Hermès la colline de Cyllène, ni de Zeus la Crète —,
autant que je serai chérie, moi, d'Apollon, et je ne serai plus l'île errante. »
Tu parlas, et ses lèvres pressèrent la douce mamelle.

Astéria, parfumée d'encens, autour de toi les îles
forment cercle autour de toi forment un chœur de danse

Astéria mille-autels et mille-prières, quel marin,
quel marchand de l'Egée, passa jamais au large de tes bords
en son vaisseau rapide ? Non, jamais les vents ne le poussent si fort,
jamais le besoin ne presse tant sa course
qu'il ne se hâte de plier sa voilure.



Les passages cités sont extraits (dans un joyeux désordre) de l'Hymne à Délos, de Callimaque, auteur de langue grecque du IIIe siècle avant notre ère, bibliothécaire au Musée d'Alexandrie. La traduction (en prose) est celle d'Emile Cahen, parue aux Belles Lettres, avec plusieurs passages remis par moi-même dans leur disposition versifiée ; j'ai également revu certaines parties de la traduction.


Aucun commentaire: